Je suis retournée ce printemps à Kyoto, une ville qui m’inspire car elle enrichit profondément ma créativité et ma pratique du thé. Les rencontres et les expériences que j’y ai faites nourrissent et entretiennent ma passion pour le thé et la culture japonaise.
Avant de partir, je prépare énormément mon voyage. Je note toutes les adresses et les informations, mais finalement une fois sur place, je me laisse porter par le moment présent et l’inspiration du moment.
Prendre son temps : luxe ou art de vivre ?
Lors de mon premier voyage à Kyoto, je voulais absolument voir les sites les plus emblématiques de la ville, mais je n’avais pas le temps de savourer tout ce que je découvrais. Cette fois j’ai pris le temps de profiter de chaque moment, sans me mettre la pression. Je constate qu’en voyageant ainsi, je suis plus détendue et je reste ouverte à toute éventualité pour me laisser surprendre. Je me cale sur le rythme de la vie kyotoïte, et la lenteur me permet d’apprécier de menus détails. La délicatesse d’un tapis de mousse*, la discrétion d’un bol en céramique, la lumière à travers les jeunes feuilles d’érable, la pénombre dans un pavillon de thé**, le parfum d’une fleur, une lanterne de pierre patinée par le temps, le son de l’eau qui ruisselle…cela me fait réfléchir sur le temps, si rare et tellement précieux.
Bushidô : la Voie du samouraï
Pour mon premier dîner au Japon, une amie m’entraîne au fond des ruelles mal éclairées de Kyoto, découvrir un restaurant singulier installé dans une très ancienne maison traditionnelle : Universal peace shishin. C’est une adresse en apparence pour touristes en mal de sensations fortes, puisqu’il propose de la cuisine inspirée des plats préférés des samouraïs, ces célèbres guerriers du Japon médiéval . En fait c’est un lieu qui s’est donné pour mission de sensibiliser les gens à l’utilisation des ressources naturelles de façon raisonnée à travers la nourriture. L’alimentation pour tous et la réduction du gaspillage comme source de paix dans le monde, ainsi que l’utilisation d’ingrédients locaux et biologiques. La décoration se compose de photos en noir et blanc de samouraïs, d’une armure ancienne mais également d’un minuscule jardin traditionnel japonais. « The ultimate ideal of Bushido is peace« , c’est ainsi que l’intellectuel Inazo Nitobe décrit le sens profond du code des samouraïs à la fin du 19è siècle. Or saviez-vous que dès le 14è siècle, la cérémonie de thé, ou Cha No Yu, est pratiquée par les samouraïs avant chaque combat afin d’y puiser concentration et sérénité ? D’ailleurs le pavillon de thé, Chashitsu, est conçu de telle façon que pour y entrer, la porte est assez étroite afin d’obliger les samouraïs à se baisser et ainsi abandonner tout sentiment d’orgueil et de pouvoir en laissant dehors leur sabre. Dans le Japon d’hier et d’aujourd’hui, le thé n’est jamais bien loin….
Sérénité dans les jardins japonais
La nature tient une place à part au Japon, elle est magnifiée et entretenue avec beaucoup de respect. Les jardins japonais incitent à la sérénité et à la méditation, mais aussi à l’humilité ne serait-ce que pour se mettre à hauteur du sol afin d’admirer les mousses, ces plantes de l’ombre et des sous-bois précieusement entretenus par les jardiniers*.
Ce qui est admirable dans les jardins japonais, c’est qu’en général, il y a une maison de thé idéalement située pour profiter de la vue sur la nature tout en sirotant un bol de thé matcha. Comme au château Nijo-jo, où le pavillon de thé Waraku-an offre un superbe point de vue sur le jardin Seiryu-en. Ou bien encore au Temple Sanzen-in à Ohara.
Uji, le berceau du thé japonais
Située à seulement une demi-heure de train de Kyoto, la ville de Uji porte bien son surnom de capitale du thé vert matcha (voir mon article sur Uji). Les rues débordent de pâtisseries et de glaces confectionnées à partir de matcha, les échoppes de vaisselle et les salons de thé se succèdent. Au printemps, le célèbre temple Byodo-in irradie de glycines par centaines et de rhododendrons (azalées) flamboyants.
Cependant il faut s’éloigner du centre pour savourer, au sommet d’une colline, la sérénité du Temple zen Kosho-ji auquel on accède en longeant un mur tapis de mousses et une allée couverte d’érables. Sans mon couple d’amis franco-japonais vivant à Uji, il est probable que je n’aurais pas été jusque là.
En redescendant, il ne faut pas manquer de passer voir la splendide galerie Asahi-yaki située au bord de la rivière. Ici, la famille Matsubayashi perpétue la tradition de la céramique depuis plus 400 ans. Leurs créations symbolisent parfaitement le raffinement dans la simplicité, la douceur et l’élégance de la céramique japonaise.
« Tea symbolises an earthly purity that unites Nature and Man » j’aime beaucoup cette phrase de Matsubayashi qui résume parfaitement le thé, la nature et le Japon.
Les lectures qui m’accompagnent au Japon
- Louange des mousses, de Véronique Brindeau*
- Eloge de l’ombre, de Tanizaki Junichirô**
- Le livre du thé de Okakura Kakuzô
- Kyôto, de Yasunari Kawabata
- Portraits de Kyôto de Rafaële Brillaud
- Le guide des thés du Japon de Valérie Douniaux
- Les quatre saisons de Kyôto de Kaii Higashiyama