Cet été je suis partie au Viêt Nam, en partie pour découvrir les thés vietnamiens. Tout avait commencé il y a 2 ans en Alsace, dans le petit village de Wittisheim, lorsque j'avais découvert le livre édité par les Jardins de Gaïa : "Les thés sauvages du Vietnam", et l'avais fait dédicacer par Arlette Rohmer en personne, la fondatrice. J'avais à ce moment-là acheté trois thés vietnamiens proposés par cette maison de thé admirable.
Le rêve d'aller un jour voir par moi-même les jardins de thé vietnamien était né....
Le thé vert vietnamien de Thai Nguyen
Ensuite tout s'est accéléré en juillet dernier, j'ai assisté à la remise des prix du concours de l'AVPA pour les thés du Monde. Plusieurs thés vietnamiens ont reçu un prix, ce qui a aiguisé ma curiosité. Le terroir de Tan Cuong dans la région nord de Thai Nguyen a attiré mon attention. Deux jours plus tard j'achetais mon billet sur Vietnam airlines.
Moins d'un mois plus tard, je me retrouvais au Viêt Nam, dans les jardins de thé de Tan Cuong précisément. Pourquoi avais-je choisi ceux-là ? parce que dans l'esprit vietnamien les thés verts de Thai Nguyen sont réputés pour leur excellence, mais également parce qu'ils se trouvaient pas trop loin de Hanoï. Hanoï, la capitale du pays, le point central de mon voyage car le berceau de ma famille paternelle et donc de mes racines.
Un écosystème de qualité à Tan Cuong
Quand je suis arrivée à Tan Cuong, j'ai été accueillie chaleureusement par des femmes du thé, oui que des femmes. C'était une journée sans nuage extrêmement chaude et sans une goutte de pluie. Une journée parfaite et baignée de lumière. Après une petite dégustation de thé vert très concentré pour se mettre dans l'esprit du terroir, nous avons commencé à explorer les jardins de théiers.
Je n'arrêtais pas de m'émerveiller sur la nature, certaines plantes méconnues et surtout les arbres fruitiers, partout : bananiers, longaniers, pamplemoussiers, passiflore, kumqat, jacquier, caramboles etc…. mais également des fleurs ou des plantes qui assurent l’équilibre naturel. J’ai constaté un écosystème naturel de grande qualité sans pesticides ni engrais chimiques, avec de nombreux insectes. D’ailleurs on m’a expliqué que ce choix était volontairement peu productif, car certaines récoltes sont parfois moins rentables du fait des insectes ou des maladies, mais garantit un thé de qualité. J’ai vu quelques bassins qui sont utilisés pour élever des poissons et aussi arroser les parcelles de théiers.
Les cueilleuses de thé
13h30 le soleil est très haut, la chaleur à son comble, nous crapahutons entre les arbustes de camellia sinensis pour aller à la rencontre des cueilleuses. Le moment le plus fort pour moi. Rencontrer ces femmes, encore des femmes exclusivement, qui cueillent les feuilles de thé. Le travail le plus difficile physiquement. Certaines ont plus de 70 ans, les mains déformées, le dos cassé à force de rester courbée. C’est un geste rapide et sûr qui demande une grande habilité pour choisir les feuilles à cueillir selon les grades. Elles se basent sur la sève contenue dans les tiges pour sentir à quel endroit couper les feuilles. Le son des feuilles cueillies est rythmé et musical. Pourtant je n'en oublie pas que ce labeur est un maillon essentiel dans la fabrication du thé dont je n'ai pas toujours conscience. ADMIRATION. GRATITUDE. RESPECT.
Après la cueillette, la fabrication du thé vert
Une fois récoltées, les feuilles sont amenées dans un hangar où les hommes (ah les voilà !) les font chauffer dans des cylindres rotatifs à 300° pour « tuer le vert ». Cette étape (appelée dessiccation) est cruciale pour fabriquer du thé vert, car elle permet de dénaturer les enzymes responsables de l'oxydation. Seuls le savoir-faire et l'expérience permettent de déterminer le bon moment pour sortir les feuilles. Il s'agit de ne pas brûler les feuilles mais de les chauffeur suffisamment afin qu'elles ne s'oxydent plus.
Lorsqu'on chauffe les feuilles de thé une réaction chimique se produit : les sucres et les protéines se transforment ce qui confère au thé une partie de son caractère aromatique. De plus cette étape permet de faire ressortir les polyphénols contenus dans les feuilles.
Puis elles sont sorties sur de grands paniers et placées dans des machines qui vont rouler les feuilles. Le roulage est l'étape qui brise les cellules des feuilles afin de libérer les huiles aromatiques qu'elles contiennent. Cette étape confère une autre partie au profil aromatique du thé, mais également la forme finale des feuilles sèches.
Elles sont ensuite triées à la main pour ôter le saletés et les brisures, un travail souvent effectué par les femmes les plus âgées (j’ai vu une dame de 85 ans !!!). Ces déchets ou poussière seront revendus à bas prix pour composer les sachets de thé bon marché ! cqfd. J’ai vu ensuite un groupe de femmes plutôt jeunes, mère et filles, ensacher le thé puis le mettre sous vide pour être vendu.
Les thés à Tan Cuong sont répartis en 3 catégories de cueillette, qui déterminent le prix :
- 1er grade (1 bourgeon + 1 feuille)
- 2è grade (1 bourgeon + 2 feuilles)
- 3è grade (des feuilles plus grandes et donc plus âgées)
Chaque famille cueille et transforme elle-même ses feuilles de thé, avec des équipements simples . Toutes les personnes de la famille participent aux différentes étapes de la transformation du thé. A Tan Cuong j’ai pu constater que les jardins de théiers sont le fait de familles qui sont toutes liées entre elles (tantes, grands parents, enfants etc…). On passe d’un jardin à l’autre sans problème.
Des exploitations de thé familiales
A Tan Cuong les récoltes se font pratiquement toute l’année avec un intervalle d’environ 10 jours entre chaque repousse. On fait peu de distinction entre les cueillettes, pourtant celles d’avril et de septembre sont les meilleures.
Entre chaque cueillette on taille les théiers afin de les garder à une hauteur d’environ 60 cm. Les pieds des théiers révèlent des plants d'environ 20-30 ans, au tronc parfois recouvert de mousse. Ils sont espacés d’environ 20 à 30 cm. Au sol on voit parfois un paillage composé de fougères.
Les familles m’ont semblé plutôt prospères. La religion catholique est fortement implantée et les habitant sont très pratiquants. La pièce à vivre est ainsi décorée de peintures chrétiennes et de croix. Les femmes portent également des croix comme bijoux. La religion chrétienne date de la colonisation française, et assure une organisation sociale des villages.
Je tiens à remercier Van, sa famille et ses collaborateurs pour leur accueil et le temps qu'ils m'ont consacré.
Merci pour avoir réalisé un de mes rêves.
Savourer un thé en ayant pleinement conscience du travail humain qui a permis sa création.
Si vous êtes curieux de déguster ce thé vert vietnamien, ainsi que d'autres thés du Viêtnam, je vous propose de participer à un atelier de découverte des thés le dimanche septembre 2018.